L’illusion de l’écrit : Pourquoi bien rédiger son pitch ne suffit pas à le maîtriser à l’oral

Qui n’a jamais vécu cette situation ? Après des heures passées à peaufiner le script parfait d’une présentation, vous vous sentez confiant et prêt à conquérir votre auditoire.

Pourtant, le jour J, votre performance orale ne reflète pas la qualité de votre préparation écrite. Ce décalage frustrant n’est pas le fruit du hasard : il s’explique par plusieurs mécanismes psychologiques bien identifiés.

Les mécanismes psychologiques derrière le décalage entre écrit et oral

 

L’illusion de compétence : le piège de la préparation écrite

Au cœur de ce phénomène se trouve ce que les psychologues appellent « l’illusion de compétence ». Cette illusion cognitive nous fait surestimer notre niveau de maîtrise d’un sujet simplement parce que nous l’avons étudié ou préparé minutieusement. Dans le contexte d’une présentation orale, le fait d’avoir rédigé un excellent script crée une fausse sensation de préparation. Notre cerveau confond la qualité du contenu écrit avec notre capacité à le délivrer oralement.

Le biais de fluence : quand la facilité de lecture nous trompe

Un autre mécanisme entre en jeu : le biais de fluence. Ce biais cognitif fait référence à la facilité avec laquelle nous traitons l’information. Lorsque nous relisons notre présentation écrite, les mots coulent naturellement, les transitions semblent évidentes, et cette fluidité de lecture nous donne l’illusion trompeuse que nous pourrons reproduire cette même aisance à l’oral. Or, la réalité de la prise de parole est tout autre.

La mémoire de reconnaissance vs la mémoire de rappel

La différence entre l’écrit et l’oral s’explique également par deux types distincts de mémoire.

Lorsque nous lisons notre texte, nous utilisons la mémoire de reconnaissance, un processus relativement passif où notre cerveau identifie des informations déjà connues.

En revanche, la présentation orale fait appel à la mémoire de rappel, qui nécessite de récupérer et de reconstruire activement l’information. Cette distinction explique pourquoi nous pouvons avoir l’impression de parfaitement maîtriser notre sujet en le lisant, tout en peinant à le restituer spontanément.

Les défis spécifiques de l’oral

L’écart entre la préparation écrite et la performance orale s’explique aussi par les nombreux défis propres à la prise de parole en public :

La gestion du stress : Même le meilleur script ne peut préparer à l’adrénaline et au stress ressenti face à un auditoire. Ces émotions peuvent affecter notre respiration, notre voix et notre capacité à nous concentrer sur notre message.

La synchronisation multitâche : L’oral exige une coordination complexe entre plusieurs éléments : la parole, les gestes, le contact visuel avec l’audience, la gestion du temps, et parfois la manipulation de supports visuels. Cette orchestration ne peut être répétée uniquement dans notre tête.

La prosodie et le rythme : L’impact d’une présentation orale dépend grandement d’éléments impossibles à capturer à l’écrit : les variations de ton, les pauses stratégiques, l’emphase sur certains mots clés. Ces compétences nécessitent une pratique spécifique. Lisez notre article pour en savoir plus sur la prosodie.

Comment surmonter cette illusion ?

La prise de conscience de ce phénomène est la première étape pour le surmonter.

Voici quelques stratégies concrètes :

  1. Accepter que l’écrit et l’oral sont deux compétences distinctes qui nécessitent des préparations différentes.
  2. Pratiquer activement : s’enregistrer (avec SnakePitch par exemple), se filmer, ou mieux encore, répéter devant un petit groupe bienveillant.
  3. Transformer progressivement le script détaillé en notes plus synthétiques, pour éviter la dépendance au texte écrit.
  4. Se concentrer sur la structure plutôt que sur les mots exacts : mémoriser le fil conducteur plutôt que le texte mot à mot.

Les professionnels de la prise de parole le savent : rien ne remplace l’expérience réelle.

Chaque présentation est une opportunité d’apprentissage qui permet d’affiner ses compétences orales, indépendamment de la qualité de la préparation écrite.

 

L’illusion de maîtrise créée par une bonne préparation écrite est un piège courant dans lequel de nombreux orateurs tombent. Comprendre les mécanismes psychologiques qui sous-tendent ce phénomène permet de mieux appréhender la préparation d’une présentation orale. La clé réside dans une approche équilibrée qui reconnaît l’importance de la préparation écrite tout en accordant une place prépondérante à la pratique orale active. Car au final, un excellent pitch n’existe pas seulement sur le papier : il prend vie dans l’interaction avec l’auditoire.

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